L’État va devoir s’expliquer sur sa politique des « haltes soins addictions » (communément appelée « salles de shoot »). Médecins du monde a annoncé, lundi 14 avril, avoir déposé deux recours contre l’État pour inaction.
Créées en 2016 à Paris et Strasbourg, ces structures accueillent des publics précaires et marginalisés. Leur expérimentation doit s’achever fin 2025.
Un premier recours vise à garantir leur pérennisation au niveau national. Le second concerne Marseille, où un projet de halte a échoué début 2024.
Un recours « historique »
Les associations reprochent à l’État son inaction — voire son obstruction — face au développement des haltes soins addictions, estimant qu’elle nuit gravement à la santé des usagers de drogues.
Après des démarches restées sans réponse, un premier recours pour carence a été engagé, qualifié d’« historique » par l’avocat Me Vincent Brengarth, qui espère une décision du tribunal administratif sous 12 à 18 mois.
Un second recours vise le blocage d’un projet à Marseille, où un refus implicite est dénoncé. Le juge pourrait ordonner l’ouverture d’une halte si une faute est reconnue.
Les associations rappellent que ces structures ont démontré leur efficacité, notamment dans la réduction des risques, et que plusieurs rapports, y compris commandés par l’État, appellent à leur intégration dans le droit commun.
Environ 80 haltes soins addictions en Europe
Les haltes soins addictions sont un maillon du parcours de soins, rappelle Catherine Delorme, présidente de la Fédération Addictions. Elles réduisent les risques liés à la consommation et les conséquences sociales pour des publics précaires, souligne Elisabeth Avril, directrice de l’association Gaïa.
Ces lieux participent aussi à apaiser l’espace public. « Rien n’est parfait, mais les habitants ne sont pas seuls : une équipe est présente en permanence », ajoute Eric Derosier, de l’association de riverains Action Barbès.
Marseille, malgré le soutien de l’ARS et de l’AP-HM, le projet de halte soins addictions a été abandonné pour des raisons politiques, déplorent les requérants. En février 2024, la secrétaire d’État Sabrina Agresti-Roubache s’était félicitée d’avoir empêché l’ouverture d’une « salle de shoot » dans la ville, a rappelé Céline Debaulieu.
Pourtant, selon l’Inserm, ces structures ont permis en 2021 d’éviter 43 décès, 69 % des surdoses, ainsi que de nombreuses infections au VIH et à l’hépatite C. En Europe, on compte environ 80 haltes, dont 24 en Allemagne, où « ce n’est plus un débat, c’est un outil », affirme le docteur Avril.
Source : Le Monde